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2 LA PROLIFERATION

§ 2 : LA PROLIFERATION DES NORMES SUR LES DROITS DE L’HOMME

 

      On assiste aujourd’hui à une grande vague d’adoption d’instruments internationaux portant protection des droits de l’homme[1]. Ils édictent des normes que l’Etat, même non partie, s’approprie dans son ordonnancement. Ce mouvement est complété par une autre variété de ces droits de l’homme mise en mouvement lors des conflits armés. Ils constituent une menace pour l’Etat qui se voit invoqué à son égard d’un instrument qu’il n’a pas accepté pour motif d’humanité[2]. Il convient de nous pencher sur les droits de l’homme et le droit humanitaire ; un droit antérieur à l’arrivée du Congo-Brazzaville sur la scène internationale.

A/ - Les droits de l’homme dans le constitutionnalisme congolais

      Le Congo-Brazzaville est un Etat par tradition respectueux des droits de l’homme. La politique occidentale de l’écriture fondée sur une philosophie des droits de l’homme d’égalité de chance pour tous dont l’individu est le centre a changé sa conception bantoue des droits. La population réalise que tous les hommes naissent libres et égaux. Personne n’a le droit inné de commander sur les autres car le pouvoir de commandement est une conséquence d’un mérite individuel et non l’héritage.

      Cette nouvelle conception révolutionne l’état d’esprit tout en débouchant tantôt sur la négation des droits de l’homme, tantôt sur des crises « patrioticides » pour la lutte au pouvoir. Les différentes constitutions dès 1964 ont posé explicitement le contrôle socialiste de la légalité. Ce système nie les droits mêmes sacro-saints à la culture des peuples de la région notamment la liberté de croyance.

      Par ailleurs la disparition de l’URSS a plongé l’Etat dans une fiction de protection des droits de l’homme par l’institution d’un contrôle de constitutionalité des lois à la française[3] qui ne fonctionna pas pendant 5 ans (1992-1997) ainsi que la voie d’exception pour l’inconstitutionnalité ne joue presque pas (depuis 2002).

       La Cour constitutionnelle est presque une juridiction du gouvernement. La commission nationale des droits de l’homme reste l’unique organe constitutionnel qui n’a pas encore intégré son local faute de travaux. Un organe étatique peut-il protéger les droits de l’homme dès lors que cette notion est larvée du « politisme » ? Cette question renvoie aux conditions de recrutement des agents de l’organe qui mettront en exergue son indépendance ainsi que la qualité de son pouvoir.

      Malgré l’adhésion ou la ratification des traités ou pactes internationaux portant protection des droits de l’homme[4], la République du Congo ignore encore la portée d’une telle notion. Toutes ses normes de lege lata en la matière sont peut-être les mieux adaptées au droit positif de la communauté des Etats membres de l’ONU ainsi qu’en illustre son bloc de constitutionnalité ; son droit en la matière est la reproduction des instruments internationaux.

      Mais l’inefficacité de l’autorité de l’Etat sur l’étendue du territoire national entérine la violation des droits de l’homme. Déjà, le département du Pool est le berceau de violation de ces droits par les Nsilulus[5]  et les FAC. Qu’en est-il du droit humanitaire ?

B/ - Les normes de droit humanitaire

      Ce domaine est encore peu répandu. Les conflits internes connus dans le territoire au lendemain du rétablissement du pluralisme ont ouvert la voie à une immixtion humanitaire. Les ONG ont trouvé là une chance pour implanter des représentations afin de répondre aux nouveaux besoins des personnes en situation de nécessité. Par conséquent, le PAM à l’instar du PNUD est devenu de plus en plus actif. Le Congo s’ouvre à un devoir d’assistance humanitaire, un devoir accepté aux dépens du droit d’intervention humanitaire que l’Etat assimile au néo-colonialisme dès 1965.

      En revanche, cette conception est partagée par presque tous les Etats du Sud qui voient en cette tendance une violation des principes sacro-saints de l’ONU en l’occurrence celui de l’égalité souveraine de tous ses membres qui a pour corollaire la rencontre de volonté et non l’imposition de la volonté d’un seul pour des motifs d’humanité ou de menace de la paix.

      Les actions entreprises au cours de cette dernière décennie par certains Etats du Nord témoignent la violation du droit souverain de l’Etat sur son territoire et aussi celui du peuple à disposer de lui-même, donc à organiser ses institutions en toute liberté. La question de l’action militaire de l’OTAN  en ex-Yougoslavie ou celle des Etats-Unis en Iraq en sont des exemples.

      Tous les Etats du Sud[6] dans leur ensemble rejettent le soi-disant « droit » d’intervention humanitaire qui n’a aucun fondement juridique dans la charte de l’ONU et dans les principes généraux du droit international. Ils confirment que l’assistance humanitaire doit être entreprise stricto sensu dans le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des Etats concernés. Aussi ne peut-elle être déclenchée qu’en réponse à une demande et qu’avec l’approbation de l’Etat concerné.

      Cette conception constitue une réponse à la nouvelle perspective des relations interétatiques qui se développe progressivement depuis la disparition de l’empire soviétique. Or dans un monde dans lequel nous vivons, chacun a horreur du vide. La mono-polarisation des rapports diplomatiques conduit à la recrudescence de l’ingérence quel que soit le qualificatif joint à ce concept. On parlerait dans ce sens de l’ingérence humanitaire, ingérence économique, ingérence démocratique… Il y a donc des ingérences auxquelles les Etats sont soumis de nos jours sous différentes formes.

      Face à ces pratiques non consenties par l’Etat concerné ainsi que son dessaisissement de ses compétences internes, l’Etat sous certains cieux est un concept creux car il est vidé de sa substance. Le droit international a apporté des instruments qui font de certaines entités stricto sensu des Etats et d’autres des Etats lato sensu. Son système de financement des économies étatiques en difficultés[7] et l’encadrement des exportations constituent de jure l’ébranlement de l’égalité entre Etats[8]. Par conséquent, le Congo-Brazzaville est vidé de son essence ; l’Etat est déshabillé de ses nombreux attributs.



[1] Depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1949, les Etats surtout du Nord ne cessent d’adopter des instruments plus contraignant avec des cours de justice ouvertes aux individus. Mais l’avancée en la matière est le traité de Rome de 1998 qui a institué un tribunal pénal international apte à une auto-saisine.

[2] V. CIJ, l’avis consultatif du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien, www.icj-cij.org.

[3] L’institution par la constitution du 15 mars 1992 du conseil constitutionnel avec une organisation plus démocratique car certains membres sont élus. Ainsi, il se démarque du conseil introduit dans la constitution de 1979 par une modification substantielle de 1984.

[4] Par exemple Le Congo-Brazzaville a incorporé dans son ordre interne les pactes internationaux sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de 1966 par ord. n° 22/77 du 6 juin 1977 et la loi de 1998 portant définition et répression du crime contre l’humanité et du génocide reproduit les définitions retenues par le traité de Rome de 1998. Le Congo-Brazzaville est un Etat partisan du monisme avec la supériorité du droit international.

[5] Les miliciens du Conseil national de résistance du pasteur Ntoumi (Bintsangou Frédéric).

[6]  Cf. la Déclaration du sommet du groupe des 77 tenu à La Havane, 10-14 avril 2004.

 

[7] BRIAL F., « Le principe d’égalité des Etats en droit international public », RDISDP, janvier-avril 2001, p 75.

[8] L’exemple frappant en la matière est celui de la coopération UE /ACP qui exonère même les Etats ACP de certains droits de douane sur leurs exportations dans le marché européen ; cette coopération est régie par le traité de Cotonou du 23 juin 2000 se substituant aux conventions de Lomé. Ces accords lient les Etats concernés depuis le traité de Rome de 1957.

 
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