Section III
SECTION III : LE DEPOUILLEMENT DE L’ETAT
Le Congo-Brazzaville est un Etat dépouillé non seulement de l’intérieur mais aussi de l’extérieur. En effet, la crise de l’autorité de l’Etat débouche sur une technicité économique dont l’Etat ne peut supporter le poids (§2). Ainsi, il voit progressivement ses compétences limitées (§1).
§1 :
Le potestas jure conféré ou reconnu par le droit à l’Etat de connaître d’une affaire, de prendre une décision, de faire un acte ou d’accomplir une action est un droit réel. Il porte, en effet, sur son territoire[1] comme un droit de propriété qui a des limites dues à des transferts de propriété. Les limites sont intervenues de façon concertée à l’instar de l’initiative de PPTE sollicitée auprès des institutions de Brettons Wood. Cette concertation, d’une certaine façon, peut aussi s’appliquer pour sa compétence personnelle, droit inhérent à l’Etat.
L’Etat a du mal à mettre en exergue sa compétence territoriale. En effet, cette compétence est l’assise par excellence de sa souveraineté, conçue comme une compétence exclusive de l’Etat sur l’ensemble de son territoire. Ce principe a été affirmé avec force par Max Huber[2] dans sa sentence d’arbitrage du 4 avril 1928 entre les Etats-Unis d’Amérique et les Pays-Bas dans l’affaire de l’Iles de Palmas : la souveraineté dans les relations entre Etats signifie l’indépendance. L’indépendance relativement à une partie du globe est le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques… Et le territoire est le point de départ du règlement de la plupart des questions qui touchent aux rapports internationaux.
Le vase de ses compétences se rétrécit également par la non-effectivité de la puissance publique. Cela a pour conséquence parmi tant d’autres l’applicabilité des lois étrangères au Congo-Brazzaville sur les matières auxquelles le législateur ne s’est pas prononcé. Le juge y applique la loi française[3] au motif que tout le système de l’Etat n’en est que le prolongement. Le système juridique français est pour le Congo-Brazzaville ce qu’est l’âme au corps.
La survie de la coutume semble prendre le dessus sur le droit dans un Etat où l’expression d’ « une société de droit[4] » est inusitée. La loi matrimoniale par exemple n’est pas respectée et l’Etat ne prend aucune mesure pour soit conformer la loi aux exigences du temps, soit sanctionner les irrégularités en vue d’assurer l’autorité de la loi. La loi est un Léviathan car ce qui compte c’est l’ordre ou la volonté de la personne dépositaire de l’autorité de l’Etat. Toute personne dénonçant une injustice sociale ou une illégalité de la loi par le biais de la presse est censée être du côté des ennemis de la révolution ou du peuple, voire contre le président de
Ces diverses appellations renvoient aux différents régimes qui se sont succédé dans l’histoire de cet Etat. Pendant la présidence du MNR toute personne d’une telle attitude par exemple est un ennemi du peuple et ennemi de la révolution sous celle du PCT avant d’être considérée comme ennemi du président de
Il est vrai que toute autorité fondée sur l’individu n’est qu’une domination de l’homme pour son détriment. Cette situation compromet la maîtrise exclusive de l’Etat de sa compétence traditionnelle en dehors de l’état actuel du droit international qui ôte continuellement à l’Etat sa compétence sur l’individu[5]. Cela se comprend à partir du processus d’institution des tribunaux pénaux puisque le droit pénal était longtemps considéré comme une compétence interne des Etats[6].
Dans cette même optique, il se voit amputé de son immunité de juridiction dans certaines affaires tantôt économiques tantôt criminelles. Pour le dernier cas, elles concernent les crimes de guerre commis par les FAC dans le conflit du Pool[7]. Une action judiciaire était ouverte en France dont le demandeur se fondait sur le lieu de résidence de l’un des présumés coupables. Cette affaire a eu une portée médiatique susceptible de plusieurs interrogations étant donné que toutes les actions dégradantes réprimées par les conventions de protection des droits de l’homme[8] peuvent être connues par les juridictions des Etats parties à ces conventions.
[1] TACHI S., « Souveraineté et droit territorial », in RGDIP 1931, p 409 ; NGUYEN QUOC D. et autres, Droit international public, LGDJ, 2002, p 443.
[2] Cité par DECAUX E., Droit international public, Dalloz, 2002, p 101.
[3] Il y a une jurisprudence abondante sur le mariage avant la loi du 17 octobre 1984 relative au code de la famille et le code de procédure civile a consacré de jure cette jurisprudence ; TGI, Brazzaville 3 mai 1981, Miantoudila et autres.
[4] Il faut entendre par cela l’Etat de droit, expression courante mais que je vois avec des anomalies dès lors que le respect de la loi ne pourrait justifier la promotion des droits de l’homme mais plutôt le respect d’une culture de droit. En effet, le terme « société » a une valeur sociologique mieux adaptée à celle de l’Etat qui en soi reflète la violence car il s’organise autour de la puissance.
[5] Cf. le rapport de
[6] BERTEGI B., Quel Etat pour le XXI è siècle ?, L’Harmattan, 2001, p 190.
[7] Affaire des disparus du Beach en instance à
[8] Convention c/ la torture et les traitements cruels et dégradants de 1984 ; celle portant répression du crime génocide de 1948, celle sur l’élimination de la discrimination raciale de 1965, sur la discrimination à l’égard des femmes de 1979, etc.