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Démocratie et droits fondamentaux

INTRODUCTION 

Les droits fondamentaux sont des droits inhérents à la personne humaine et souvent en concurrence avec le vocable de « droits de l’Homme ». Ils constituent un principe subversif par excellence de la souveraineté et une mauvaise arme de conscience, ils sont au cœur de la lutte idéologique où s’opposent des visions conflictuelles et souvent messianiques de l’Homme et de la société . Ces oppositions datent depuis l’Antiquité lorsque l’homme réfléchit sur son existence. Étant un animal politique, l’existence humaine ne peut être pensée en dehors de la société ; cette pensée concerne les rapports sociétaux qui ne sont que des rapports intersubjectifs dans le but de posséder le pouvoir. C’est dans cette perspective que s’inscrit notre réflexion sur la démocratie et les droits fondamentaux. Le premier terme se réfère à la société tandis que le second, à la personne humaine. Ainsi, la démocratie est une forme d’organisation de la société dont la légitimité des gouvernants relève du peuple et ils exercent le pouvoir pour l’intérêt de la société.
Du point de vue sémantique, les « droits de l’Homme » constituent une notion ancienne et beaucoup usitée en droit international dont l’après guerre de 1939 est le point culminant. Ce sont des prérogatives inhérentes à toute personne qui se cristallisent en une sorte de braise car les droits de l’Homme vous brûlent les mains lorsque vous les touchez. De ce fait, ils méritent une systématisation et un contenu concis. Les « droits fondamentaux » sont d’origine allemande et semblent se démarquer par leur autonomie d’une autre notion similaire, « les libertés publiques », beaucoup usitée en France jusqu’à la décennie 1990. Ils se caractérisent par le fait qu’ils bénéficient non seulement d’une protection instrumentale, conventionnelle ou constitutionnelle, ou sont opposables tant à la loi qu’à l’action de l’administration, mais aussi ils produisent des effets horizontaux.
S’il faut penser le bonheur de l’Homme, il est admissible que celui-ci se réalise dans une société bien gouvernée car l’état de nature est un état de guerre dans lequel nul bonheur n’est possible. Malheureusement, toutes les philosophies, certes favorables à cette quête de bonheur par la théorisation des droits de la personne humaine, ne se sont pas accordées quant à la nature du gouvernement censé réaliser cette fin. Elles récusent à la démocratie une telle mission : soit elle est par sa perfection incompatible avec les hommes selon Jean-Jacques Rousseau, soit elle est un pire régime en sa qualité d’une altération du gouvernement authentique qui est la République (politéi) chez Aristote ou par l’incapacité pour la multitude de posséder le savoir ou la science royale chez Platon pensée dans le cadre de la sophocratie. La philosophie allemande de l’historicisme ne se démarque pas de cette « pensée démocraticide » notamment chez Kant, Hegel et Marx.
L’estime d’un gouvernement autre que démocratique s’est soldé par l’exercice d’un pouvoir absolu et de nombreux conflits armés. Après avoir abandonné la démocratie entre Ve et XVIe siècle, l’Occident la redécouvre suite à l’affranchissement de l’homme du joug religieux et de la nature. La théorisation des droits de l’Homme par Hobbes va poser la base sur laquelle se constituera la théorie contemporaine de la démocratie liée étroitement à la protection des droits de l’homme. Le contrat politique de Locke dégage les trois principes de ce libéralisme : la répartition du gouvernement civil entre plusieurs organes que développera Montesquieu, le respect de la loi par tant les gouvernants que les gouvernés développé par Rousseau et le gouvernement représentatif critiqué ou developpé par de nombreux auteurs des Lumières comme contemporains.
lMais réfléchir sur la démocratie et les droits fondamentaux semble obsolète de nos jours car le discours démocratique est celui qui se réfère davantage aux droits des individus. Presque la totalité des Etats ont opté pour un tel discours. La pratique est encore loin des idéaux formulés à cause de la jonction de l’intérêt à ce discours. C’est ce qu’Emmanuel Décaux appelle par des « mots face aux maux » . La théorisation de la conception moderne de la démocratie par fusion de plusieurs courants de pensées ne peut nous laisser indifférente dans la mesure où le renchérissement des droits fondamentaux aujourd’hui notamment autour de la capacité qu’a chaque individu de choisir un autre comme titulaire de la puissance dans la société débouche sur une opposition entre démocratie libérale et démocratie illibérale, entre société démocratique et société non démocratique ou Etat de droit et de non droit qui tend à hiérarchiser maladroitement les droits fondamentaux sur l’échelle internationale. Ainsi, la démocratie contemporaine s’articule autour d’une société de droit, de l’édification de l’Etat de droit prise comme une finalité.
Cela dit, la protection des droits de la personne humaine est loin d’être un acquis dans nos sociétés démocratiques comme peut en illustrer chronologiquement les discours sur les droits de l’Homme, les libertés publiques, droits fondamentaux, droits et libertés fondamentaux et la sécurité humaine, l’inquiétude du Conseil des Droits de l’Homme relative au traitement de la population carcérale dans certains Etats de l’UE dans son rapport de 2008 ou celui d’Amnesty International de 2009 sur les policiers en France. L’institution d’une société libérale est quotient à des débats soit pour la quête de l’unité, soit pour la garantie de l’autonomie aux fins d’un pluralisme. Les débats philosophiques depuis la Grèce antique et ceux des défenseurs d’un droit quelconque de nos jours prouvent les contradictions suscitées dans la pratique, le positivisme juridique et le positivisme sociologique s’oppose sur la manière de concevoir le droit afin qu’il soit le garant des droits fondamentaux. La jonction de ces droits à la démocratie pose la question d’un ordre politique et juridique. En admettant la supériorité du politique sur le juridique, nous pouvons nous interroger sur les pourquoi de la politisation des droits fondamentaux et l’opposition dans une démocratie sur ces mêmes droits. Pour y répondre, il est nécessaire de nous circoncire dans le cadre de nombreux textes ou principes proclamant la protection des droits individuels au niveau tant international que national. Alors, nous allons analyser le fondement du libéralisme institutionnel (I) ainsi que sa théorisation ou pratique (II).
I. FONDEMENT DU LIBERALISME INSTITUTIONNEL

Le libéralisme institutionnel se réfère au cadre étatique au sein duquel la protection des droits et libertés fondamentaux est la priorité de l’action politique. Le libéralisme n’est pas une doctrine ou un courant de pensée lié à un mouvement de pensée mais une pléiade des théories de nombreux penseurs. Or la démocratie est, à son avènement, incompatible avec la protection des droits fondamentaux. La démocratie classique a fait l’objet de nombreuses critiques. Nous allons nous inscrire dans le sillage historique pour asseoir le fondement du libéralisme institutionnel dès l’époque de la méconnaissance des droits de la personne humaine ainsi que de leur théorisation.
A. MECONNAISSANCE DES DROITS FONDAMENTAUX

La démocratie est une forme de gouvernement qui se définit par la quantité des personnes détenteurs du pouvoir ou de la puissance au sein de la société ou de l’Etat. Cette multitude dite « peuple » ne peut parvenir à la réalisation d’une politique libérale qui soit rationnelle. Le peuple ne parle pas dira Sieyès et il est animé par des passions et ne comprend rien par soi-même. Cette passion risque de générer une anarchie dans une démocratie dès lors que l’autorité est entre les mains de différentes personnes qui sont à la fois juge et partie de leur propre cause. Les philosophes dont je n’étalerai pas les doctrines ont présenté les aspects négatifs de la démocratie vue sa disjonction avec les droits fondamentaux avant la formulation d’une nouvelle démocratie suite aux abus de pouvoir monarchiques.
1. Aspect négatif de la démocratie

La démocratie athénienne telle instituée par Clisthène au VIe siècle opte pour le culte de la loi adoptée par les citoyens. Tous les Athéniens, selon l’isonomie, sont égaux devant la loi et ainsi, ils seront à tour de rôle gouvernants et gouvernés. Ce culte constitue un élément de différenciation de l’organisation du pouvoir athénienne avec celle des autres Etats dont l’obéissance est fondée sur la terreur ou la violence. La démocratie a fait la force des Grecs et leur permit de dominer les barbares. De nombreux philosophes voient dans cette démocratie un handicap à la réalisation du but d’une société politique qui se réduit à la satisfaction de l’intérêt général .
Dans cette perspective, Aristote critique la démocratie en tant qu’un pouvoir du peuple dont la finalité est la dépossession des riches ; Rousseau ne croit pas qu’elle ait existé car elle ne vaut qu’à un peuple de Dieu, ni même qu’elle soit viable sauf pour une cité peu peuplée comme c’est le cas pour la Corse. Cette démocratie populaire présente beaucoup d’inconvénients : l’inefficacité du gouvernement, lenteur dans le processus de décision, l’imbroglio de la désagrégation, la banalisation de la politique, les critiques infondée de l’action politique… Ainsi Sieyès préféra plus la démocratie représentative procédant de la nation que la démocratie directe ou populaire où les citoyens adoptent et exécutent eux-mêmes les lois : ce qui est une impossibilité. Cela conduit donc aujourd’hui à lui opposer la démocratie représentative telle adoptée par plus de 150 Etats.
La liberté de pensée, d’opinion, de croyance, la liberté de choisir les candidats ou de se déclarer candidat à la gestion des affaires publiques et l’égalité devant la loi sont défendues en démocratie. Mais sans leur matérialisation adéquate pour permettre leur protection, ils seront formels. Dans ce sens, le peuple ne bénéficierait aucun de ces droits qui restent l’appropriation d’une élite. A quoi servira la liberté de croyance dans un Etat qui a une religion officielle ? A qui peut bénéficier la liberté de se déclarer candidat à un poste public ? Dans une collectivité où existe une religion d’Etat la liberté de pensée est vide de tout contenu, de même il faut à l’individu une compétence préalable pour prétendre occuper un poste au sein de la collectivité. Le peuple se voit par conséquent vidé de ses prétentions ; il ne jouira point de ces droits, ceux-ci restent ainsi fictifs.
En plus, les droits nés à la fin du XXe ou au début du XXIe siècle semblent plus à des objectifs des politiques nationales qu’à des droits. Leur systématisation en droit devient une illusion et de ce fait, leur protection devant un juge est davantage complexe. La jurisprudence de la CEDH le reconnaît en ces termes : La Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs . Le droit comme celui d’un procès équitable paraît plus concret et facile à protéger pour le justiciable que celui au logement. Ces droits peuvent même remettre en cause d’autres droits déjà reconnus notamment l’opposition possible entre le droit au travail et le droit à l’environnement. C’est pour cela que le positivisme juridique fonde la légitimité du droit dans un Etat de droit dans les besoins des individus parce que la nature des besoins à l’instar d’un fonctionnement naturel de la société engendra une nécessité spontanée du droit pour protéger les individus en forme de satisfaction de leur besoin.
Si la démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple, nous aurons du mal à retrouver un Etat à avoir adopté un tel régime puisque les Constitutions encadrent le pouvoir qui est en réalité celui d’une minorité pour ne pas parler de l’aristocratie des partis . Le peuple ne dispose aucun droit sauf celui d’écouter les manipulateurs lors des rencontres populaires. Il fut même amputé du droit de participer à la gestion de l’Etat par des cens et la masculinisation de l’électorat. Une loi du 14 juin 1791 (loi Chapelier) exclut toute représentation autre que celle issue du suffrage politique. Elle légitime les représentants dans leur posture des porte-paroles du corps social. Il n’y a pas un autre médiateur entre eux et le corps social . Cette fiction se concrétise dans l’alternation du pouvoir dans le cycle gouvernant-gouverné dès lors que l’arène politique est l’apanage d’une minorité et celle-ci dirige toujours la majorité. Les mêmes personnes concourent aux postes politiques et font de la politique leur métier, ce qui rend impossible le cycle rotatoire du pouvoir.
L’exercice du pouvoir par la minorité est naturel comme en témoigne la plaidoirie de Darius pour la monarchie, ce régime naturel engendré par la méchanceté du pouvoir de la multitude ainsi par la convoitise d’un autre pouvoir minoritaire, l’oligarchie. Il est évident que les régimes démocratiques sont à l’origine de grandes terreurs dans l’histoire humaine. Ils débouchent sur la dictature d’un groupe d’individus contre la majorité. Cette situation ne peut être résolue qu’en reconnaissant aux opprimés une parcelle de violence contre ce groupe. La violence populaire contre l’oppression est la règle d’or d’une démocratie à témoin le préambule de la déclaration de l’indépendance américaine ou l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 . L’éthnisation et de nombreux conflits armés en Afrique ont été le résultat des discours démocratisant préconisés dès la décennie 1990 ou le nazisme est issu d’un régime pourtant démocratique.
Le peuple est abstrait car on ne saurait dire ce qui constitue le peuple au sein d’un Etat. Le peuple se réduit-il aux électeurs ? La réponse est négative. En fondant la démocratie sur un aspect abstrait, le risque de violation des droits fondamentaux est inévitable. Chaque groupe d’individus dans un Etat, par des liens historiques et sentimentaux, va s’identifier en un peuple distinct des autres et voudrait détenir le pouvoir, ce qui se traduira par la répartition du pouvoir entre les fractions de ces peuples tout en affaiblissant la collectivité qui n’aura aucun droit. Les peuples se livreront un combat sans merci pour contrôler la totalité du pouvoir. Il faut par conséquent une collectivité organisée selon des principes qui priment les droits individuels, droits souvent en opposition perpétuelle. Le dépassement de cette opposition est une condition sine quo non de l’édification de l’Etat de droit.
Le refus de la démocratie en Europe entre le Ve et le XIVe siècle est dû à la terreur impériale de Rome, de la monarchie absolue dans de nombreux royaumes et de nombreux conflits armés. L’institutionnalisation des religions avec ses slogans de l’égalité et de fraternité n’a pas aussi participé à l’émergence de la démocratie libérale. Au lendemain du traité de Westphalie, une résurgence de la démocratie se dessine grâce aux mutations sociales et intellectuelles qui prendront en compte la volonté populaire au sein des monarchies dynamisées et centralisées dans un Etat moderne comme le lien que souligne Voltaire entre le commerce et l’émergence de la liberté en Angleterre. Ces mutations héritent des travaux des penseurs du XVIe siècle comme Machiavel ou Luther qui ne traitent plus la manière dont les hommes peuvent se conformer aux normes qui les dépassent mais celle d’un gouvernement qui doit composer avec les passions humaines. Elles servent de base dans le processus de démocratisation. La survie d’une démocratie est liée au niveau économique. Les Etats à faible revenu par habitant sont en proie à une crise de démocratie. La majorité des démocraties contemporaines viables sont dans des Etats où le revenu annuel par habitant est supérieur ou égal à 6000 $ US. On peut citer le cas de Cuba, du Madagascar ou de l’Albanie.
2. Redécouverte de la démocratie

Le fondement posé au cours de la Renaissance contribuera à la redécouverte de la démocratie au XVIIIe siècle. L’affranchissement de l’individu du joug religieux ouvre la voie à une relecture de l’Antiquité. Les progrès technique et socio-économique exigent une nouvelle organisation de la société. La question du rôle du peuple refait surface. Celle-ci s’intéresse plus à la légitimité du pouvoir qu’au respect des droits de l’Homme. Le monarque doit conjuguer avec cette nouvelle exigence. Il tient son pouvoir de Dieu pour gouverner avec sagesse et amour. A contrario, un pouvoir absolu n’émanerait pas de Dieu dont son amour et sa bonté sont connus des hommes. Cette négation du pouvoir théocratique va se généraliser pour ne plus considérer le pouvoir temporel comme sacré. Ainsi, ce changement ne s’est pas opéré de la même façon dans les Etats européens notamment en France et en Angleterre.
L’aspiration de l’exercice du pouvoir relevant du peuple est encrée dans une nouvelle classe sociale intermédiaire entre la noblesse et le peuple. La révolution des moyens de production profite aux bourgeois qui revendiqueront la liberté d’entreprise et de commerce. Une telle liberté paraît incompatible avec les régimes en place qui ont émis des privilèges à la noblesse. Il est nécessaire d’inventer un modèle qui la garantira. Tocqueville va dans ce sens lorsqu’il considère « l’égalité de conditions » comme la source de la démocratie. Or la liberté d’entreprise concerne seulement une minorité. Les personnes ne dépendant plus des propriétaires fonciers desquels elles bénéficiaient une protection vont à la conquête des privilèges. Elles veulent vivre librement de leurs activités de négoce et d’artisanat. Les bourgeois transfèrent l’origine du pouvoir au peuple et revendiquent l’égalité des hommes car ils naissent libres ; leur propriété est inviolable. Ainsi, la Déclaration de 1789 illustre cette tendance. Elle reconnaît presque des droits qu’à l’individu.
La justice et le respect des droits fondamentaux sont le fruit de l’histoire. Ils ne pourront être décrétés. Cette vue est celle de Burke lors qu’il critique la révolution de 1789. Pour lui, la liberté n’est pas une chose désincarnée qui peut sortir de l’esprit du philosophe ou du rêve politique de quiconque . Elle s’encre dans une réalité institutionnelle et historique construite par le temps et vouloir la décréter conduit nécessairement à une destruction brutale et au désordre ou à la violence. Par conséquent, le retour de la démocratie est le résultat d’une monarchie absolue dont les partisans se sont amenuisés au fur et à mesure pour revendiquer sa tempérance. Ce mouvement commence en Angleterre dès le XIIIe siècle.
La démocratie est devenue l’idéal politique de notre société dès la fin de la 1ere moitié du XXe siècle. Sa portée se retentit avec la chute du mur de Berlin pour ouvrir l’ère démocratique issue du libéralisme économique. L’individu est la valeur suprême de notre de notre société. Les Etats-Unis libéralisent leur parti pour que les militants choisissent leurs candidats aux élections présidentielles. On redécouvre les mécanismes de la démocratie populaire, les referendums sont constitutionnalisés dans de nombreux Etats. Ce retour de la participation du peuple à la prise de décision n’exclura pas la violation de l’ordre juridique établi à l’instar du débat relatif aux consultations populaires de Charles De Gaulle ou de Chavez ainsi qu’un moyen de mettre le gouvernement fédéral et le congrès aux Etats-Unis sous tutelle privée des organismes d’influence publique.
Par ailleurs, la démocratie instituée par des Constitutions adoptée par-ci et par-là ne suffira pas à garantir les droits individuels. Le traitement inhumain et les discriminations sont encore présents sur la scène politique. Le XXe siècle et ce siècle connaissent de nombreuses violations des droits de l’Homme au Rwanda, à Srebrenica, les fours crématoires nazis, les tortures des prisonniers d’Abou Ghraib, de Guantanamo Bay, l’apartheid, la ségrégation, etc. Certes, les Etats ont opté pour le pluralisme mais il existe encore des démocraties à parti unique ou à candidat unique comme la Chine ou certains Etats de l’Amérique latine, d’Asie ou d’Afrique. Le Zimbabwe a organisé l’année dernière un second tour des élections présidentielles à candidat unique.
La construction d’une démocratie libérale protégeant les droits individuels est devenue possible par la théorisation des droits fondamentaux issue du contractualisme ; tout droit n’est droit que s’il est utile pour la collectivité. Il se dessine une autre conception de la volonté générale précédemment incarnée par la loi puisque seule la Constitution exprime la volonté générale ; elle donne au corps social une feuille de route. La liberté de pensée n’autorise pas la diffusion d’une pensée raciste dans la finalité ne sera nullement utile à la société, donc non conforme à la feuille de route. Cette démocratie devient ainsi comme le pense Habermas constructive dans une société juridique et non historique.
B. THEORISATION DES DROITS FONDAMENTAUX

La reconnaissance de la valeur de la personne humaine dans la société a conduit à la formulation du contractualisme qui reconnaît à l’individu des droits antérieurs à la société par sa seule qualité d’être homme. Les théologiens, les scolastiques et les philosophes précurseurs de Thomas Hobbes formulent des doctrines favorables à la construction des droits fondamentaux dont le nominalisme constitue le socle. L’homme a des droits tirés de sa nature humaine et cela en dehors de toute organisation sociale. Cette conception peut être admise pour tout autre système politique avec quelques nuances et les juges nationaux s’y réfèrent dans le cadre du respect de la dignité humaine ainsi que le Conseil constitutionnel s’en est inspirée pour l’élever au rang des principes de valeur constitutionnelle . On sort du carcan moral pour une plaidoirie des droits subjectifs dont jouit tout individu dans la société. Mais il convient d’en dégager le ressort philosophique et la conception plurielle de la liberté qui en est la conséquence.
1. Ressort philosophique

Dans l’Antiquité ou la 1ere moitié du Moyen-âge, l’homme n’est pas un sujet exclusif des droits. La reconnaissance des droits naturels fait de la nature le sujet même par prédilection de droit. Elle comprend l’homme et tout ce qui est animé dans notre environnement. Il faut donner à chaque individu ce qui est sien, donc selon l’ordre des choses. Il naît un système moral sur lequel s’affranchira le droit individuel au XVII e siècle. On retrouve un ordre moral dans les prescriptions et le partage des biens dans la collectivité politique. Celle-ci prise pour le droit se voit attribuer une fonction de justice sociale tournée vers la recherche du juste milieu dans les différents rapports. Le jusnaturalisme a contribué à l’amélioration de cette doctrine par la substitution du droit naturel subjectif au droit naturel objectif. Ce droit s’intéresse par exemple à enseigner à un maître comment traité son esclave qui reste néanmoins un homme. Il est une personne humaine pourvue de raison, digne lui-même de commander les autres inférieurs . L’esclavage est une institution juste car elle est compatible à l’ordre des choses. Les Grecs distinguent les hommes libres et les serviteurs ainsi que la différenciation climatique qui seraient la cause de la diversité des races. Ils vont ainsi professer leur supériorité sur les barbares. L’universalisme des droits est remis en cause.
L’approche d’un questionnement sur l’origine de notre société politique se fonde sur le dilemme du contractualisme et de l’état pré-sociétal ou état de nature. Les philosophes comme Hobbes, Locke, Rousseau vont déterminer un lien étroit entre la légitimité du pouvoir et la subjectivité. Tout pouvoir légitime est celui qui fait l’objet d’un consentement préalable des sujets qu’il régira. Ici, la liberté-action prise dans son sens de participation à la gestion des affaires publiques est posée comme la base de l’organisation politique. Ce contractualisme, cette adhésion subjective, s’explique par le mythe d’un transfert des libertés à un individu ou groupe d’individus afin qu’il en assure la garde et le respect contre la méchanceté de l’homme qui voudrait les supprimer. Chaque fois que cet idéal est détourné par la corruption des gouvernants, les mandataires de ces libertés les reprendront quel que soit le moyen pour le confier à d’autres.
Les droits de l’homme est une expression d’origine anglaise dont la paternité revient à John Locke qui mentionne explicitement les expressions « rights of men » et « rights of mankind » dans le 2e Traité du gouvernement civil. Il ne va articuler sa théorie politique qu’à partir de celle de Hobbes. Il convient de nous arrêter donc à cet auteur défenseur d’un pouvoir absolu. Pourquoi la théorisation des droits de l’homme naît dans le but d’organiser une monarchie ? Les réponses de Hobbes comme beaucoup d’autres auteurs qui partent de sa thèse sans pour autant aboutir au résultat avec les mêmes procédés s’articulent autour de l’idée d’une quête de la sécurité politique parmi les hommes. Cette sécurité apparaît avec évidence compatible avec la monarchie. Ni Locke, ni Montesquieu ne diront le contraire. Les théories actuelles de la représentation qui régissent notre société portent encore leurs germes.
Pour Hobbes, le droit subjectif naturel, que les auteurs ont l’habitude d’appeler sous le vocable de jus naturale, est la liberté que possède tout homme d’user de son pouvoir propre comme il entend lui-même ; il prône une théorie laïque des droits subjectifs. Sa théorie procède de la théologie des siècles précédents et du nominalisme de Guillaume d’Occam (1285-1347). Tout homme a un droit naturel unique : liberté absolue et limitée par le seul entendement personnel d’agir selon son jugement. Ce droit unique ne résulte pas d’une loi commune à la nature humaine inscrite dans l’homme par Dieu comme l’affirmait Suarez mais de l’homme lui-même pris isolement selon le rasoir d’Occam. Le caractère politique de celui-ci conduit à une analyse des rapports intersubjectifs dans un état de nature dont la liberté absolue entraine une guerre permanente. Chaque homme étant libre par sa naissance vit dans l’état de nature sans loi qui adviendrait à restreindre sa capacité d’agir. Son agissement tend toujours à préserver sa nature ; il agit à sa guise. La liberté est indéfinie et par essence indéterminée. Etre sous la loi décidée par la collectivité comme en démocratie serait nuire à la liberté.
Mais chaque individu ayant droit à tout finit par se heurter à son voisin puisqu’il est motivé par une conservation opulente de sa liberté. Il se donne le moyen de s’armer contre son semblable. La guerre est inévitable et devient permanente dans l’état de nature à cause de cette liberté absolue. Il ne lui reste que le choix de se remettre à sa raison pour le mieux de sa liberté et pour son intérêt. L’homme va alors utiliser sa raison pour mettre un terme à cette guerre par un contrat transferant la sauvegarde des libertés à un individu, le souverain des libertés de ses voisins. Celui-ci à l’instar de Dieu n’a point de supérieur et reste ainsi le seul à conserver la liberté absolue. Les autres lui doivent obéissance pour ne plus retomber dans la misère, la peur et l’insécurité de l’état de nature.
Locke comme Rousseau ne voient pas dans le contrat social une délégation totale des libertés. En effet, chaque individu conserve sa raison de jugement ainsi que sa propriété acquise dans l’état de nature. Pour Locke, la propriété incluse dans le droit individuel ne saurait être déléguée à un gouvernement civil qui ne reçoit que les droits de commandement et de poursuite du bien public ainsi que la conservation de la société. Le non respect par ce gouvernement des droits individuels non délégués conduira à la rupture du contrat. La question de l’organisation institutionnelle est posée. Les trois principes fondateurs du libéralisme institutionnel apparaissent chez Locke : la séparation du gouvernement civil en plusieurs organes que développera Montesquieu, le respect de la loi par tant les gouvernés que les gouvernants car son non respect est la source directe de l’injustice (cette idée sera traité par Rousseau) et le gouvernement représentatif développé ou critiqué par certains de nos contemporains comme Habermas.
Toutes ces idées ont été développées par d’autres auteurs. Par exemple, Kant en proposant une distinction entre morale et droit définit ce dernier comme un ensemble de règles qui permettent de faire coexister pacifiquement les libertés individuelles par une imposition extérieure incarnée par la puissance publique de la République. Cela témoigne de son refus d’une démocratie pour imposer ces règles. Dans une démocratie, les citoyens s’imposent les règles par soi. Cette situation a pour conséquence des guerres au sein de l’Etat à l’instar de nombreux conflits au nom des droits formels de la démocratie. Aussi en découle-t-il une conception plurielle de liberté que la démocratie contemporaine va s’approprier.
2. Conception plurielle

Parler de la démocratie et des droits fondamentaux nous éloigne des conceptions classiques fondée sur la morale. La démocratie contemporaine se démarque de celle de l’Antiquité, sans pour autant l’affirmer, elle se confond avec la République de Kant ou de Montesquieu. Elle ne peut plus s’opposer à la monarchie comme jadis. Elle s’inscrit dans un cadre d’une culture qui se vaudra juridique et constructive par le biais de plusieurs contributions : les souverainetés populaire et nationale, l’apparition d’une opinion publique distincte du peuple et le constructivisme communicationnel.
Or la théorisation des droits subjectifs de l’individu a épousé le procédé pluriel de l’enseignement philosophique grec. Il n’y a pas un droit fondamental mais des droits fondamentaux. Ceux-ci sont articulés autour d’un dénominateur commun qui est leur fondamentalité. Ces droits sont construits à partir de la liberté à la fois action, autonomie ou jouissance. La liberté-autonomie et la liberté-action constituent la 1ere génération des droits de l’Homme, ceux dits « droits politiques et civils ». Elle est présente dans les textes de la Révolution en France et aux Etats-Unis et réitérée par de nombreux textes du XXe siècle ainsi que la jurisprudence. Pour la première, elle s’entend comme une absence de toute contrainte physique ou morale à l’épanouissement de l’être humain. Elle est la faculté de tout homme de disposer de lui-même, de régler sans contrainte sa vie personnelle. Elle a conduit à une formulation d’un espace privée exclu de toute immixtion tant des tiers que de la puissance publique. Les droits ainsi protégés sont la vie, la propriété, la vie privée, la correspondance, la croyance, la pensée et le corps.
Pour la seconde, la liberté devient la faculté de faire ou ne pas faire. Elle admet à l’opposé de la 1ere liberté des immixtions extérieures du fait des interdictions imposées par la puissance publique. Cette liberté oppose souvent des partisans dans nos démocraties. Elle est à l’origine d’une différenciation de traitement des individus selon leur appartenance à une société déterminée jusqu’à une négation des droits en refusant leur universalité. Le code de la route en exigeant à un conducteur d’un véhicule motorisé d’être libre de tout mouvement peut-il justifier l’interdiction de fumer ou de téléphoner au volant ? La réponse sera mitigée. Mais l’appartenance dudit Code à un Etat justifie que ses droits concernent que ses habitants. C’est l’utilitarisme qui explique mieux cette liberté car toute liberté ne procède que de la société et il n’y aurait aucune liberté sans un intérêt sociétal. La société est en droit d’interdire à certains de faire ce que d’autres font dans le but du bonheur du plus grand nombre. Dès lors que la puissance de la société est incarnée par la loi, elle devient utile pour fixer les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques selon l’article 34 de la Constitution ; elle sanctionner tout ce qui nuit à la vie sociale. La loi se définit ainsi dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen comme une mesure de justice pour la limitation de la liberté au sens hobbesien du terme . Ainsi cette liberté est constituée d’un groupe nominal avec la particule de (mais ce n’est pas la règle générale) dont certains ont droit mais pas d’autres ou encadrée pour ne pas parler d’interdiction partielle. Ce sont : droit de vote, droit à un procès équitable, liberté d’expression, liberté de circulation, liberté de mariage, liberté de réunion, liberté de participation à la gestion publique.
Cette génération est complétée par la deuxième génération dite « libertés créances » puisqu’elles sont exigées à l’Etat ; leur reconnaissance nécessite préalablement l’institution d’un artifice. Ce sont des droits dont tout individu exigera de l’Etat. Il s’agit des efforts économiques et sociaux effectués par la société. Cette liberté est constituée des droits sociaux et économiques. Elle est défendue par Marx en opposition de la première génération teintée d’utilitarisme par son lien étroit avec la vie de la société. On énumère les droits au logement, au travail, à la sécurité sociale et au loisir. Ces droits ont permit la formulation de la dernière génération, les droits de solidarité.
La pluralité de la liberté apparaît dans la somme des droits contenus dans deux Pactes de l’ONU de 1966 (relatifs respectivement aux droits politiques et civils ainsi qu’économiques et sociaux). Ils bénéficient d’une large protection tant nationale qu’internationale et figurent notamment dans le bloc de constitutionnalité, dans les conventions des droits de l’homme et des peuples africaine de 1981 et de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales européenne de 1950. Ainsi, la démocratie s’en est saisie dans une construction de l’Etat de droit pour lutter contre des corruptions, leur violation, la garantie du consentement de la participation aux dépenses publiques pour l’intérêt de tous non seulement des gouvernés mais aussi des gouvernants.
Le fondement du libéralisme institutionnel s’est construit à partir de la philosophie morale, la théologie et la philosophie du droit des naturalistes ou des historicistes. Il en découle que la démocratie classique ignore les droits fondamentaux tout en inspirant sa quête. La formulation d’une théorie des droits de l’homme à partir d’un humanisme a transformé la démocratie qui n’est plus dans le cadre traditionnel de l’organisation politique rousseauiste ou aristotélicienne. Ainsi, elle est devenue étroitement liée avec la protection des droits telle en témoigne sa pratique contemporaine.
II. PRATIQUE DU LIBERALISME INSTITUTIONNEL

La démocratie est aujourd’hui le régime politique libéral qui se caractérise par la limitation de la puissance publique selon une orthodoxie préétablie. Elle s’oppose de ce fait avec les régimes autoritaires ou totalitaristes. Le souci contemporain demeure la réalisation d’une société de droit dont la participation dans la gestion des affaires publiques s’est généralisée par l’invention de nouveaux mécanismes sujets à controverse notamment l’opinion publique ou la délibération populaire. La légitimité des politiques ont pour étalon de mesure le consentement du peuple. Néanmoins, la fusion des droits fondamentaux à la démocratie nous permet d’examiner les critères démocratiques et la consécration textuelle de la démocratie.
A. CRITERES DE LA DEMOCRATIE

La reconnaissance de la démocratie se déduit de la nature du consentement des individus desquels procède l’exercice du pouvoir au sein de la société ou de l’Etat. Les élections ne suffisent plus pour qualifier un régime de démocratique. Mais la nature de celles-ci est prise en compte par l’ouverture à la surveillance des élections dans les Etats du sud. Cela est dû à l’égalité devant la loi et à la liberté d’opinion qui s’explique par tant le respect de l’égalité des candidats pour un concours politique pluraliste que le respect du suffrage des électeurs pour rester fidèle à l’expression de leur choix. Une élection à candidat unique, ni celle assise sur une discrimination des candidats à la liberté de diffusion de leur opinion ne garantissent pas le pluralisme, donc les droits politiques. D’où, nous allons évoquer successivement les critères de la démocratie et leurs effets.
1. Critères démocratiques

Aujourd’hui, il ne convient plus de rester dans l’idéalisme démocratique mais dans un pragmatisme. La puissance publique reste souveraine dans l’Etat et à l’extérieur de l’Etat ; elle connaît de limites que celles exigées par l’exercice d’un pouvoir non pas étant un attribut mais étant une relation, relation strictement encadrée par des normes juridiques. La démocratie se reconnaît en effet à partir d’un fuseau de normes appelées sous le vocable du respect des droits fondamentaux dans l’action de la puissance publique. Ce respect est perceptible à partir de la promotion des droits politiques et civils. Ceux-ci exigent trois critères tant philosophique, politique que juridique.
Tout d’abord du point de vue philosophique, la légitimité du pouvoir démocratique procède d’un consentement du peuple exprimé par le suffrage. Ce suffrage souvent universel ne l’est que de nom. Le vote après avoir été censitaire est devenu capacitaire. Ce n’est pas le peuple ni la population d’un Etat qui est convoqué mais le corps électoral constitué des citoyens aptes soit à raison de leur âge, soit à raison de non déchéance de leurs droits politiques. La cité d’Athènes n’admet que 10 % de sa population à participer aux affaires de la cité sur environ 400 000 habitants. Les droits politiques furent récusés aux étrangers, aux esclaves et aux femmes. En France, le droit de vote n’est reconnu aux femmes qu’un siècle après la fin du cens en 1848 et leur éligibilité reste illusoire en pratique dans de nombreuses démocraties malgré la légalisation ou la constitutionnalisation de la parité ou la politique de discrimination positive.
Sur ce qui concerne les élections, elles ne suffisent plus d’être régulières mais qu’elles s’organisent dans la transparence, le pluralisme, l’ouverture des candidats à des médias, financement équitable des partis et associations politiques, la connaissance préalable du délai d’intervalle ainsi que des règles de jeu afin que l’alternance soit possible. Le corps électoral doit bénéficier des garanties assurant l’expression de son opinion, d’où la nécessité d’un vote secret hors de tout regard discret. L’article 3 du Protocole 1er à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantit un droit à des élections libres. Mais beaucoup de difficultés surgissent dans de nouvelles démocraties chaque fois que l’échéance électorale s’approche par des révisions constitutionnelles sapant ainsi la possibilité d’une alternance des gouvernants. Cette attitude rend illusoire le cycle rotatoire des gouvernants-gouvernés. Ainsi, la révision constitutionnelle en Algérie permet au président de candidater pour une troisième fois.
Ensuite, l’aspect politique exige une tempérance de l’exercice du pouvoir par un mécanisme de séparation des autorités : exécutive et législative. C’est en quelque sorte ce qu’énonce l’article 16 de la Déclaration de 1789 à savoir toute société qui n’assure pas la séparation du pouvoir et la garantie des droits n’a point de Constitution. L’action politique est organisée de façon que le pouvoir arrête le pouvoir car tout individu qui a le pouvoir tend toujours à en abuser d’après Montesquieu. Le pouvoir politique est organisé par une hiérarchisation dont une institution neutre est chargée de jouer l’arbitre afin que chaque organe de cette hiérarchisation reste dans son champ d’action ; ce qui permet d’assurer la liberté comme l’illustre l’aspiration des fondateurs des Etats-Unis. Nous reviendrons sur cette séparation incarnée par le constitutionnalisme libéral.
Et enfin, la garantie des libertés. La liberté est plus ancienne que la démocratie. Les historiens admettent que son origine en Occident procède du développement de l’Eglise chrétienne. La liberté précède de plusieurs siècles la démocratie ; elle l’a engendrée et non l’inverse. L’action politique ne devra pas en effet supprimer la liberté quelle que soit la situation. Dans ce contexte, l’Etat de droit distingue les libertés qui ne peuvent connaitre un infléchissement même en cas d’une catastrophe naturelle ou politique de celles tangibles, justifiant en quelque sorte la diversité terminologique des droits de l’homme. Leur sécurité réside dans une justice indépendante et la Constitution est de ce fait la charte de sauvegarde des droits fondamentaux devant toute action politique liberticide dont le juge s’inspirera pour sanctionner toute action politique non conforme. La révision constitutionnelle de juillet 2008 corrobore cela par l’institution d’un contentieux concret de constitutionnalité.
L’importance de la vie et du corps de la personne humaine conduit à l’articulation des droits intangibles qui leur sont attachés même quand la survie de la nation est menacée, ce sont donc des droits fondamentaux. L’article 15 de la CESDH nous permet d’énumérer ces droits intangibles : le droit à la vie, l’interdiction de la torture ainsi que de l’esclavage et de la servitude et l’interdiction de toute arrestation ou condamnation sans loi. La CEDH reconnaît que les articles 2 et 3 de la Convention sont des droits primordiaux de toute société démocratique. Elle applique dans sa jurisprudence cette disposition avec rigueur tant pour la lutte contre le terrorisme que pour le cas où le juge fait appel au système universel de protection des droits individuel pour pallier au déficit de son système . Ainsi l’Etat peut restreindre la liberté de circulation en cas de guerre ou de pandémie. Cette restriction concerne la liberté d’aller et venir dans une localité du territoire nationale ou celle de ne pas se rendre dans un Etat étranger. Aussi ces critères produisent-ils des conséquences.
2. Conséquences

A partir de ces trois critères, il sied de construire une mesure de valeur pour déterminer le niveau de démocratisation dans un Etat. La liberté est une valeur centrale de ces critères démocratiques. Elle est pensée dans le cadre d’une bonne gouvernance, de la sécurité juridique et de la poursuite du but de la société. Jacques Robert et Fareed Zakaria s’appuient sur elle afin de présenter l’insuffisance des démocraties française pour le premier et du reste du monde pour le second. Depuis la Grèce antique, toutes les critiques de la démocratie portent sur la liberté. Sa détermination oppose la forme démocratique de Montesquieu assise sur aussi bien l’autonomie personnelle que le libéralisme à celle de Rousseau s’épuisant uniquement à la participation aux affaires de l’Etat.
J. Habermas a démontré comment la France à estimer à partir du volontarisme de Rousseau que le droit naturel ne peut acquérir sa positivité que grâce au pouvoir politique : on entend comme Montesquieu que la liberté économique et la concurrence entre intérêts particuliers procède du despotisme éclairé car les individus sont trop égarés pour percevoir l’évidence de l’ordre naturel. La politisation des droits individuels paraît comme une évidence. Les droits sont pensés par rapport au citoyen et qu’il n’y a pas de ces droits sans l’Etat. Cette construction réjouit le positivisme juridique qui détermine le droit par son attachement à un Etat. Le risque est que l’Etat peut disposer de sa population de sa guise, ce qui entrainerait des lois liberticides.
L’absence d’une culture démocratique libérale et le traditionalisme des partis politiques en France a retardé l’institution d’une démocratie comme l’affirme, concernant la nature de la matière importée des Etats-Unis par les révolutionnaires, lord Acton cité par Zakaria Leur théorie de la révolution, mais pas leur théorie du gouvernement, leur manière de tailler, pas leur force de coudre . La révolution de 1789 s’est manifestation par une rectification radicale de la société par une volonté vertueuse au nom d’un idéal moral. L’action démocratique fut longtemps minée par des querelles de partis inspirées de cette révolution qui causèrent une instabilité politique sous les 3e et 4e Républiques. Mais elles refirent surface sous la 5e République. Déjà les politiques refusèrent en 1962 l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct. Cette initiative de Gaulle causa son divorce avec Paul Reynaud qui ouvertement affirma à la tribune de l’Assemblée générale que la France est ici et non ailleurs. L’influence des idées de Sieyès ainsi que le spectre des plébiscites napoléoniens hantent toujours les acteurs politiques. Les revendications sont plus dans les rues qu’à la tribune du Parlement où règne la caricature ainsi que le culte de la majorité. La France est libre mais reste intolérante et fragile.
La fragilité découle d’une croyance dans le salut public de l’Etat qui se traduit par une montée de certains mouvements politiques radicaux, le recours croissant à l’Etat ainsi que la prolifération de la réglementation et de la législation même pour des faits divers, cause directe d’une insécurité juridique. Le Conseil d’Etat y fait référence dans deux rapports. L’intolérance semble se réduire par l’acception l’existence d’une minorité en France longtemps refusée, la légalisation des langues régionales, la recherche d’une égalité réelle par des discriminations positives ainsi que l’admission certes timide de financer les constructions des mosquées.
Pour l’organisation des élections libres et transparentes se pose une question relative au mode de scrutin approprié pour garantir la liberté individuelle pour un pluralisme politique. En adoptant le scrutin majoritaire à un tour comme l’élection présidentielle américaine, il peut arriver que soit élu le candidat ayant obtenu moins de voix des suffrages exprimés par le peuple du point de vue arithmétique, ce qui se traduit par le contraire du pouvoir démocratique légitimé par la majorité ainsi sur l’interrogation d’une élection libre et transparente. Par exemple Al Gore et Bush junior en 2000 recueillirent respectivement 48, 4 % et 47, 9 % des suffrages soit 266 contre 271 grands électeurs et en 1876, le candidat démocrate obtenu 51 % des votes populaires mais ne put atteindre la majorité des grands électeurs 184 contre 185 pour le républicain Hayes soit 48% de voix. Comment expliquer en France où la majorité des collectivités sont dirigées par la gauche et que le sénat censé les représenter au sein du Parlement soit majoritairement à droite ? Il en revient que leur recrutement n’est pas totalement démocratique. De même le pluralisme néerlandais rend toujours difficile la constitution du gouvernement qui peut s’étaler dans une durée de 6 mois. Cette négation du recrutement démocratique reste valide dans le cadre de la coopération internationale car les Occidentaux refusent les élections libres par crainte d’une alternance islamiste dans certains Etats arabes : l’avènement probable des mouvements islamistes populaires comme le Hamas en Palestine. Ainsi, il ne sera pas inopportun de prôner le juste milieu.
La démocratie contemporaine recourt davantage à des techniques d’une démocratie directe qui opposent souvent les partisans à une cause et causent la surveillance du corps social par des intérêts privés. Le mandat des élus américains reste subordonné et conditionné aux pressions des investisseurs privés. Certains élus ont du mal à défendre librement leur position à cause des regards quotidiens des débats publics et fortement médiatisés. La décision d’associer le peuple à la nomination des candidats a tué au fil du temps les partis politiques devenus des cartels sous contrôles des lobbyistes. Il y a tant d’associations pour défendre à Washington leur privilège. Ces corporations s’investissent dans la campagne de leur candidat pour faire triompher leur cause. Par exemple, le soutien des corporations pétrolières et de l’armement à Bush fils a rendu l’unilatéralisme armé américain inévitable sur la scène internationale, la guerre en Irak légitimé par un vieux rapport de 1991. Même la guerre contre le terrorisme profite plus à ces corporations qu’aux Américains, donc à l’Etat. Par ailleurs, les Etats comme la Californie qui a accru des referendums se voit aujourd’hui avec une représentation dépourvue presque d’attribution, rendant ainsi douteuse la qualité des décisions adoptée pour le progrès et le bien-être de sa population. Nous ne pouvons pas nous arrêter ici sans évoquer la consécration textuelle des droits fondamentaux dans les démocraties.
B. CONSECRATION TEXTUELLE

Depuis l’avènement du constitutionnalisme, le respect des droits individuels comme la propriété, la sureté ou la vie n’est possible que par la rédaction d’un texte organisant le fonctionnement séparé des institutions dépositaires du pouvoir politique. Celui-ci restera la vraie volonté générale du peuple à laquelle la loi devra se conformer. Le juge Marchal dans une affaire de 1819, arrêt McCulloch v. Maryland, le reconnaît en affirmant que le peuple américain à adopter un texte dont la valeur exige qu’elle soit conservée à travers les âges et, en conséquence pour être adapté aux diverses crises des affaires humaines et dont la jurisprudence de Marbury de 1903 est le fondement à l’origine du libéralisme constitutionnel incarné par une justice constitutionnelle, le fameux canon braqué au parlement d’après Eismann. Mais, la consécration de ces droits se fait tant au niveau national, régional que universel.
1. Proclamation des droits fondamentaux

La proclamation du respect des droits individuels est aujourd’hui la voie royale de la sauvegarde d’une paix dans nos Etats. L’universalisme des droits de l’homme n’est plus remis en cause et se manifeste par un enthousiasme de solidarité sans précédent dans l’histoire humaine depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo. L’absence du respect de ces droits est devenue synonyme d’un déficit démocratique. La liberté ne doit plus restée cette loi des franciscains inscrite par Dieu dans l’homme, mais celle inscrite par les hommes dans un texte. Cette référence textuelle permet un contrôle efficace car le juge chargé de son application peut en déduire des principes généraux faisant partie intégrante de la collectivité comme l’a fait la CJCE dans l’affaire Stauder en 1969. La cour constitutionnelle allemande n’a reconnu la supériorité du droit communautaire que sous condition qu’il protège des droits fondamentaux tels protégés par la Constitution de 1949 . Ces droits sont un messie pour sauver l’humanité de sa barbarie sanguinaire. Les anglais emboitèrent le pas en 1215 mais c’est le XVIIIe siècle qui reste le repère historique dont la Déclaration de 1789 est un exemple. Chaque peuple récemment indépendant ou constitué en Etat se dote automatiquement d’une Constitution dont l’objectif reste la protection des droits des citoyens et leur contrôle de l’action des gouvernants par les élections libres et transparentes afin de sanctionner les gouvernants dont la politique n’a nullement suscité l’assentiment de la majorité. Ce constitutionnalisme est évident en France depuis plus de deux siècles. La Constitution de 1958 est un exemple par son ossature : préambule de 1946 sur les droits sociaux et économiques, Déclaration de 1789, Charte de l’environnement de 2004 et le texte constitutionnel proprement dit.
Sur la scène internationale des systèmes régionaux de protection de ces droits ont été institués afin d’harmoniser les droits de l’Homme car avant d’être français, jordanien, congolais ou italien, on est avant tout une personne humaine. L’humanité vaut avant tout. Ainsi, l’élaboration des Conventions internationales pour la protection des droits de l’homme inspirées par les mêmes principes de justice mais présentant quelques nuances élémentaires. Par exemple les Chartes arabe des droits de l’Homme considère le sionisme comme un des crimes contre la paix et africaine reconnaît des droits au peuple et non seulement à l’individu. Ces textes conforteraient la primauté des lois fondamentales pour que les discours ne soient pas dépourvus d’effet dans la pratique. L’aide au développement devient ainsi conditionné au respect d’un minima des droits individuels notamment la corruption qui mine l’effectivité des droits sociaux et économiques. L’Etat admet l’encadrement juridique de sa compétence.
2. Garantie des droits fondamentaux

La garantie des droits individuels est assurée contre l’arbitraire du politique par l’institution d’une justice indépendante. Le contrôle des juges par l’organe exécutif a généré l’inamovibilité pour que les juges restent indépendants dans l’administration de la justice. Son effectivité relève de l’ouverture de sa saisine car l’absence d’une autosaisine des juges pour le contentieux constitutionnel peut remettre en cause son fonctionnement. Mais une question peut se poser pour le type de juge à retenir pour devenir le gardien des droits constitutionnels. Chaque Etat a opté pour la solution proche de sa culture. Le juge ordinaire dans certains Etat soit par distinction de ce contentieux d’autres affaires comme aux Etats-Unis, soit absence de distinction comme en Angleterre ou le juge exceptionnel, solution retenue en France. On connaît le mérite de cette justice dans la construction d’un Etat de droit.
Pour éviter des coûts de procédures juridictionnelles, l’Etat prépare l’élaboration de ces textes avec l’aide d’une commission des droits de l’Homme et le juge n’est pas le seul pour assurer la garantie de ces droits. La police administrative, l’administration elle-même par des recours gracieux. Mais du point de vue administratif, les droits fondamentaux sont protégés par voie répressive : l’exercice d’un droit ne doit pas violer l’ordonnancement national au cas contraire une répression intervient assortie d’une sanction ; par voie préventive : l’exercice d’un droit nécessité préalablement le consentement de la puissance publique. Elle se traduit par une interdiction, l’autorisation préalable ou la déclaration préalable.
La justice constitutionnelle est intervenue pour protéger les droits fondamentaux :
La dignité de la personne humaine : DC du 27 juillet 1994, lois de bioéthique et du 29 juillet 2004, bioéthique.
La liberté individuelle : DC du 15 janvier 1975, IVG ; du 18 janvier 1995, loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité ; liberté d’association : DC 16 juillet 1971 ; l’égalité : DC du 16 mars 2006 relative à la loi sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
La protection des DH en Europe : quelques exemples
Convention pour la répression du terrorisme du 28 janvier 1978
Convention pour la prévention de la torture du 26 novembre 1987
CONCLUSION

La démocratie est le régime hypocrite qui n’a pas fini de nous révéler toute son âme. Elle s’est adaptée à des situations spécifiques pour ainsi parler de la démocratie française, américaine, allemande, brésilienne, etc. Elle a des principes d’organisation en vue d’une édification de l’Etat de droit qui constituent des droits fondamentaux d’organisation de l’Etat contemporain : le culte de la Constitution rigide en est le centre. Toute ses critiques se sont évadées dans l’étendue de ses succès.

 
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