2 OBSERVATION
§2 : OBSERVATIONS SUR CETTE CONSTATATION
Dans la conception moderne de l’Etat souverain, l’Etat n’est pas une entité libre dans son organisation interne comme l’a prétendu la doctrine[1] au lendemain de chaque guerre mondiale. La nouvelle lecture des textes, en l’occurrence la charte de l’ONU, entraîne des bouleversements considérables quant à l’autorité des Etats de défaire tout ce qu’ils ont fait. Sur ce point, on trouve les lacunes des théoriciens de l’autolimitation des compétences de l’Etat[2].
L’Etat est libre d’admettre les droits qui lui soient opposables, il l’est aussi pour tous ces droits qu’il n’a pas consentis. L’introduction du principe de la majorité dans l’adoption de certains textes internationaux ouvre la voie à une construction de la société des Etats qui est loin d’être à l’âge de sa majorité. C’est ainsi que s’expliquent par exemple les débats entre les défenseurs de l’intervention humanitaire dans un Etat et les défenseurs de la primauté de la Charte[3] dans les rapports interétatiques.
La disparition de l’URSS a permis l’encouragement, voire la prise en charge par l’Occident de la démocratisation de l’Afrique. La démocratie n’est plus un sujet tabou sur le continent car les liens personnels entre les différents chefs d’Etat africains et ceux du bloc capitaliste ne sont plus identiques à ceux de l’époque des blocs. La durée illimitée de leur mandat et surtout l’absence du pluralisme sont critiquées. Est-ce pour dire que l’Afrique était déjà mûre[4] pour importer la démocratie plurielle après l’effondrement du mur de Berlin ? Il est vrai que les conférences de démocratisation dans les Etats qui sont des « scandales géologiques[5] » ont été des échecs. L’importation de cette démocratie est la cause directe de beaucoup de conflits sur le continent puisque dans beaucoup d’Etats le dialogue a fait défaut[6] ou bien c’est le chef d’Etat lui même qui a régné en maître souverain tout le long des plénières de la conférence comme au Gabon.
On pourrait croire que la souveraineté a été longtemps reconnue à des mouvements de libération nationale grâce aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. La collaboration en la matière avait pour but l’émancipation des peuples sous domination. Ce droit n’a plus de valeur dans une région où tous les peuples sont décolonisés. Alors, pourquoi ne pas admettre une telle collaboration au profit des mouvements nationaux en lutte contre la tyrannie face à une ingérence démocratique qui s’affiche avec acuité ? A l’heure actuelle du droit, admettre une solution pareille consiste à renoncer à la sécurité internationale et aussi à encourager des conflits intra-étatiques, objet pour une éventuelle prolifération des trafics illicites des armes et source d’appauvrissement, voire des conflits territoriaux[7].
La crise soudanaise au Darfour illustre l’inertie d’une intervention internationale dont le système égalitaire reconnaît aux seuls cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU le droit de décider les normes applicables devant un cas de violations des droits de l’homme. Ce diagnostic résulte du profit à tirer dans chaque action. La norme juridique par son attachement à un environnement social semble inintelligible dès lors qu’elle n’est pas associée à la sociologie[8], la seule science mieux adaptée à interpréter le texte la contenant.
La mondialisation est un facteur très opérationnel dans la légitimité démocratique. En effet, les lois du marché, de la concurrence ainsi que le pouvoir médiatique et celui de nouvelles techniques de communication contribuent à un ajustement structurel répondant aux exigences contemporaines. Le Congo-Brazzaville est sujet à de tels flux auxquels aucun Etat ne peut se soustraire. Toutes les productions doivent avoir accès au marché international, lieu par excellence d’échanges des matières premières en capitaux nécessaire au développement.
Dans ce contexte, aucun Etat ne veut s’isoler. Mais la poursuite des profits par les Etats prouve comment les différents Etats en s’appuyant sur leur égalité souveraine utilisent leur position de force pour s’imposer dans un secteur de la société internationale. Pour certains, ils s’appuient sur leur puissance[9] économico-militaire[10] tandis que d’autres se fondent sur leur majorité[11]. La question d’adhésion de
Mais toute cette constatation tend vers une universalisation d’organisation des Etats à laquelle le Congo-Brazzaville n’échappe pas. En ce sens, l’Etat moderne est celui qui se conforme à ces principes qualifiés de « civilité internationale[12] ». D’où, une décentralisation des compétences de l’Etat qui associe le fédéralisme : un modèle dominant.
[1] V. MORELLET J, « Le principe de la souveraineté de l’Etat et le droit international », in RGDIP 1926, pp 104 et s. V. aussi : CAPOTORTI F., « Cours général de droit international public », in RCADI 1994, II, 218, pp 85 – 93 ; Portalis, op.cit. ; CHALTIEL F., op.cit. ; CARRE DE MALBERG, op.cit. COMBACAU J., « Pas une puissance, une liberté : la souveraineté internationale de l’Etat », in Pouvoir, n°627, 1993, pp 47 et ss. ; MONTMORENCY, « Le concept de la souveraineté », in RGDIP 1931, pp 385 et ss. et aussi DUGUIT L., Traité du droit constitutionnel, t I, Fontemoing, 1927.
[2] Cette théorie est celle de JELLINEK qui considère que l’Etat ne peut être lié par le droit que par sa propre volonté et KELSEN pour sa part parle de la compétence de la compétence.
[3] Cf. La déclaration de
[4] CHIRAC J. déclara en 1990 que l’Afrique n’était pas mûre pour la démocratie, cité par YENGO P., « Affinités électives et délégation des compétences », in Politique africaine, n°105, 2007, p 107. On constate que cette démocratie in extremis non compatible à des valeurs africaines est à l’origine de plusieurs conflits dans de nombreux Etats souvent pendant la sceptre électorale dont
[5] Il s’agit de la richesse diversifiée du sous-sol en minerai : le pétrole, l’or, le cobalt, l’uranium, le diamant, le mercure…
[6] Pour Mgr KOMBO E., président du præsidium de
[7] SIMON O., op.cit.
[8] FRYDMAN B., Le sens des lois, Bruylant, 2005, p 437.
[9] Il s’agit des Etats industrialisés en l’occurrence le G 8.
[10] Le principe de l’égalité souveraine des Etats réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) du 25 octobre 1970 concernant les relations amicales et la coopération entre les Etats conduit à en tirer la conséquence suivante : les Etats ont des droits et des devoirs, ils sont membres égaux de la société internationale malgré les différences d’ordre économique, social, politique ou d’autres natures.
[11] Il s’agit des Etats du G 77. Aujourd’hui, ce groupe compte près de 125 Etats sur les 192 membres de l’ONU.
[12] V. SINDJOUN L., « La loyauté démocratique dans les relations internationales : sociologie des normes de civilité internationale », Etudes internationales, mars 2001, pp 31 et ss.