Introduction
L’Etat est le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine dira Jean Bodin. La souveraineté est un critère reconnu à l’Etat. Ce critère peut être récusé à une entité territoriale dépendant d’une autre. C’est ce qui a conduit la doctrine à la considérer comme le synonyme de l’indépendance politique[1]. Toute entité à laquelle est attribué le qualificatif d’« Etat » peut ne pas être souveraine par absence de la personnalité morale sur la scène internationale, corollaire de cette indépendance. Cette souveraineté systématisée en Occident, en l’occurrence sur le vieux continent a été exportée de par le monde dans toutes ses conquêtes.
La souveraineté est conçue comme un pouvoir de commandement. C’est une faculté internationalement reconnue d’exercice de ce pouvoir[2] que l’Etat lato sensu, voire une société, applique à ses rapports personnels. En ce sens, le pouvoir est constitué par l’ensemble de facteurs qui expliquent la faculté d’une personne d’influencer ou de déterminer la conduite d’autrui dans le domaine social[3]. Il y a un lien étroit entre la souveraineté et une collectivité humaine. En effet, ce concept pris dans le sens de commandement, c'est-à-dire la puissance exercée entre deux individus en relation réciproque, est inhérente à l’espèce humaine. Une telle historicité est le fruit de la théologie. Par conséquent, c’est à l’être le plus proche de Dieu que revient l’autorité de commandement sur les autres dans la collectivité.
C’est à l’homme que revenait ce privilège de commandement, puis au père de famille... Or, l’élargissement du nombre des membres de la collectivité a exigé un chef au dessus des chefs de famille qui fut donc l’aîné, le grand-père, le grand-oncle... Cette hiérarchisation est approuvée par la conclusion de l’apôtre Paul dans une de ses lettres adressées aux Corinthiens[4]. Cette déduction entre dans le dynamisme d’une pensée théocratique du pouvoir héritée de la loi mosaïque. Celle-ci est reconnue par toutes les civilisations de grandes religions monothéistes: c’est le représentant de Dieu qui commande la société, Umma dans la pensée islamique. Ainsi, le pape fut le souverain dans l’espace européen judéo-chrétien tandis que cette souveraineté devrait revenir au califat dans l’aire arabo-musulmane.
Pour l’apôtre Paul, que chaque personne se soumette aux autorités en charge car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu et celles qui existent sont constituées par Dieu si bien que celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établis par Dieu[5], contre donc Dieu lui-même. Déjà, cela est le pire des péchés insusceptibles de pardon. En effet, ce postulat vient justifier une hiérarchisation dans laquelle Dieu est l’être suprême au-delà duquel il n’y a aucun autre être. Il est le chef du Christ qui, à son tour, est le chef de l’homme[6]. D’où la portée de la maxime Omnis potestas nisi a Deo[7] dans la conception du pouvoir dans la société selon la pensée théocratique.
Mais si dans la pratique, c’est par la féodalité qu’est née la théorie juridique de la souveraineté de l’Etat[8], il est vrai qu’en Europe occidentale cela est une contestation de l’autorité papale et impériale par le roi. Celui-ci ne voulait plus être assujetti par un homme qui n’avait pas le droit du glaive temporel[9] dès lors qu’il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu[10]. Par conséquent, toutes les guerres de religion sont à l’évidence des guerres incompatibles avec les matières qui touchent directement les affaires de l’Etat dont le prince a la charge.
L’un des grands problèmes relatifs à la souveraineté consiste en l’illusion de pouvoir la ramener à des termes exclusivement juridiques[11]. Certes elle est le fondement du droit international public[12], elle ne s’appuie nullement à être une compétence générale prévue par le droit. Point de cristallisation du pouvoir de l’Etat au moyen âge, la souveraineté a gardé des orientations et des connotations irréductiblement politiques. L’antagonisme entre les aspects juridiques et politiques de la souveraineté a éclaté au grand jour au début du XXe siècle quand la doctrine s’est efforcée d’en domestiquer les allures incontrôlables pour la rendre compatible avec les exigences du droit.
En plus, la théorie juridique de la souveraineté est articulée autour d’un concept qui ne fait pas l’unanimité parmi les juristes. Elle est incapable de produire de l’ordre social ; elle est devenue un objet de confusion[13]. Elle est affirmée ou infirmée soit à l’Etat sur la scène internationale puisque seule la société internationale dans son ensemble est souveraine[14] ou sur la scène nationale dès lors que l’Etat se soumet à la souveraineté du droit[15], soit elle est partagée entre les deux sociétés, nationale et internationale ou dans l’Etat entre l’Etat et la Nation[16], voire refusée à l’Etat au profit de l’individu. D’où, la « personnalité » de l’Etat est considérée comme fictive et que toutes les relations des Etats ne sont que des relations individuelles des gouvernants.
Cette confusion sur la « souveraineté » est le propre des lacunes du vocabulaire français selon Carré de Malberg. En effet, ce vocabulaire ne rend pas compte de toutes les réalités que ce concept traduit[17]. En se fondant sur le vocabulaire allemand, il est arrivé à dégager trois mots de cette langue exprimant les réalités ou sens que revêt la souveraineté.
- La souveraineté en tant que la puissance de l’Etat, elle est de ce fait le pouvoir effectif qu’exerce une autorité dans son assiette d’action, le territoire (Staatsgewalt) ;
- La souveraineté considérée comme la puissance étatique, elle est par là même une indépendance absolue de l’Etat à l’égard d’une autre autorité (Souveränität) ;
- Et la souveraineté prise dans la perspective de maître, elle se révèle ici à la personne ou organe qui incarne le pouvoir de commandement (Herrscher).
De ce fait, la souveraineté dans la doctrine juridique francophone est synonyme de pouvoir, de l’indépendance d’action et de l’organe de décision. Par ce constat, le peuple à qui revient le droit d’élire la personne qui se chargera de la destinée de l’Etat est le souverain, ce que Rousseau appelle « souverain primaire ». De même, le parlement décide par la loi le sort de
Par ailleurs, nous sommes dans une étude de recherches de la souveraineté de l’Etat au XXIe siècle qui s’articulera autour de
Le Congo-Brazzaville est un Etat assis sur une superficie de 342 000 km2, long de
1.
2. Le Cameroun au nord-ouest ;
3. L’affluent Oubangui au nord-est qui le sépare de
4. L’enclave angolaise du Cabinda et
5. L’océan Atlantique au sud-ouest ;
6. Le Gabon à l’ouest ;
7. Et le fleuve Congo à l’est qui le sépare de
Cet Etat est érigé sur un territoire longtemps réparti entre le royaume Kongo et ses vassaux : les royaumes Téké et Loango. Ce grand royaume dont la capitale politique fut Mbandza étendait sa souveraineté territoriale dans les pays du Niari et à Minkolo. Il partageait sa frontière au nord avec le royaume Téké et le royaume Loango se situait au-delà du massif de Mayombe, au sud des pays du Niari. C’est la bataille d’Ambuila au XVIIe siècle qui a modifié l’organisation politique de cette zone d’influence Kongo, ouverte à la colonisation française à la fin du XVIIIe siècle par l’exploration de Pierre Savorgnan de Brazza.
La conquête française fut précédée pour le compte du Roi des Belges de celle menée dans les pays du Niari et de Minkolo par Stanley, un journaliste britannique au service du roi Léopold II et membre de l’Association internationale du Congo. Il créa deux postes dans le Niari : actuels Makabana et Loudima. Mais la délimitation opérée par la conférence de Berlin de 1885 joua aux dépens de
Cette étape permit à
Le Moyen Congo devint une République sous l’appellation de « République du Congo » le 28 novembre 1958 après approbation massive[23] de la constitution de
Il est peuplé par une composition des bantous et des pygmées. Les bantous avec 97 % de la population sont répartis entre les Kongo (48 %), Téké (22 %), Mbosi (13 %) et les Mekée, Oubanguiens, Kota, Sangha, Echira et étrangers représentent 14 %. Cette population est concentrée au sud en l’occurrence tout le long de la voie ferrée grâce à des conditions naturelles qui sont propices à la vie humaine.
Refuser une étude sur la souveraineté dans un Etat, objet et sujet de la mondialisation où la multiplication des échanges, la révolution des communications, les flux des biens et des personnes, tout contribue à unifier les hommes dans un « Etat universel[26] », est la source de remise en cause des mutations contemporaines affectant même le droit. La volonté de réorganisation de la « société » des Etats revive le débat sur la souveraineté. Celle-ci a fait l’objet d’un débat au cours de la session de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 1999. Elle reste encore à conquérir pour les Etats du Sud dès lors que l’importation des idéologies marxiste, capitaliste, socio-démocrate, néolibérale ou de toutes autres natures contribue toujours à renforcer la dépendance vis-à-vis des auteurs de ces idéologies. De ce fait, une exhortation à la valorisation des valeurs endogènes devrait être la voie de prédilection, les vainqueurs seront ceux qui y parviendraient. S’il faut se mettre à la place de l’Occident, nous finirons par apercevoir que l’endogenèse est la source de toutes les pensées occidentales par exemple sur l’Etat ou
Après 40 ans de vie dans le XXe siècle, le Congo-Brazzaville est confronté dans ce siècle présent à une « néo-modernité » qui associe homogénéité, hétérogénéité et extranéité. Tout cela englobe le vécu et le souhait des populations dont les rapports entre l’Etat et ses nationaux ne cessent de se transformer du jour au lendemain. Ce rapport de la souveraineté personnelle de l’Etat constitue la source d’une crise d’autorité si les gouvernants n’arrivent pas à harmoniser les rapports entre l’Etat, le territoire et la population.
Dans ce sillage, le Congo-Brazzaville est un Etat à l’instar des autres qui ne peuvent vivre seuls. Cette cohabitation engendre des rapports de force qui, en fonction de leur qualité, peuvent se neutraliser s’ils sont égaux ou s’attirer si l’une des forces est supérieure à l’autre. Cela s’explique dans une société internationale où tous les Etats n’ont pas la même grandeur géographique et ne sont pas organisés de la même manière. Les réclamations des Etats du Sud traduisent l’existence des inégalités entre les entités, sujets ou acteurs du droit international, économiquement et politiquement fortes. Ainsi, apparaît une menace de la souveraineté de l’Etat bien que posée comme principe de base dans la construction de l’ordre international[27].
En outre, les exigences de lutte contre la pauvreté pour relever le défi du développement conduit à des associations d’Etat afin de résister à des ingérences. En effet, il sera plus difficile de s’immiscer dans un ensemble vaste, géré par des institutions ayant la maîtrise de leur domaine de compétence. Par conséquent, les Etats utilisent cette politique d’intégration comme un moyen déterminant pour assurer leur survie face à des géants de la mondialisation dont la puissance de chacun est estimée à plus de celle de dix Etats dans certaines régions.
Par ailleurs, le combat de lutte contre la pauvreté appelle à de nombreuses réformes quant à la manière d’entreprendre l’autorité de l’Etat dans l’étendue du territoire national administrativement mal répartie. Il peut se poser deux interrogations : pourquoi attacherons-nous une attention à la souveraineté dans ce présent siècle ? La souveraineté hante-t-elle toujours les juristes ? Or, les difficultés liées à une étude sur la souveraineté de l’Etat dans lequel les techniques de la nouvelle communication sont déficitaires et surtout l’absence du droit à la communication des documents administratifs conduisent à orienter la réflexion sur deux points déjà évoqués pour apporter des réponses à ces interrogations.
D’une part, L’analyse de la souveraineté menacée par les ingérences politique et économique est le résultat des faiblesses de l’Etat dans l’harmonisation de ses liens étroits entre ses différentes composantes (chapitre I). Or, d’autre part, la souveraineté pour rendre l’autorité de l’Etat effective étant que droit personnel de l’Etat exige la réunion de certaines conditions par lesquelles le Congo-Brazzaville est censé assurer sa survie et défendre sa place dans une société animée par la puissance du plus fort (chapitre II ).
[1] COMBACAU J., SUR S., CARRE DE MALBERG R., TACHI S., HUBER M., etc.
[2] TACHI S., « La souveraineté et le droit territorial de l’Etat », in RGDIP 1931, p 413.
[3] KOLB R., Réflexions de philosophie du droit international, Bruylant, 2003, p 119.
[4] Epître de Paul aux Corinthiens (I), 11 : 3.
[5] Epître de PAUL aux Romains, 13 :1.
[6] Epître de PAUL aux Corinthiens (I), 13 :11 et ss.
[7] Toute autorité vient de Dieu.
[8] DE MONTMORENCY, « Le concept de souveraineté », in RGDIP 1931, p 401.
[9] Pour PICQ J., l’autonomie politique présente dans la pensée aristotélicienne, puis perdue de vue avec l’augustinisme politique, est retrouvée à <st1:personname w:st="on" productid="NDOWSsystem32